lundi 24 janvier 2011

Le sexe "envahit votre vie”

Le sexe "envahit votre vie”
Le Dr Marc Valleur est psychiatre, médecin chef du centre Marmottan, à Paris.


La banalisation du sexe serait responsable de la multiplication des « sex addict » SIPAFRANCE-SOIR Qu’est-ce qu’un « sex addict » ?

MARC VALLEUR Ce sont des gens qui voudraient réduire ou cesser une conduite, sans y parvenir. En l’occurrence, le sexe. C’est une notion difficile à accepter, car on a cette idée qu’on ne peut pas souffrir d’un excès dans ce domaine. Or cela existe.



F.-S. Comment savoir si l’on est dépendant ?

M. V. Cela n’a rien à voir avec la fréquence. La vraie question, c’est la souffrance. On peut se satisfaire longtemps d’une pratique, comme la fréquentation de sites porno ou de rencontres rapides. Mais un jour cette conduite vécue dans le secret interfère trop. Elle envahit votre vie, votre couple. Imaginez un employé connecté sur Internet plusieurs heures par jour au bureau…



F.-S. Ces accros au sexe ont-ils des points communs ?

M. V. Ce sont en majorité des hommes, de 30 à 40 ans. Il y a ceux qui se sont mariés tôt, sont dotés d’un code moral très rigide et n’ont jamais connu une sexualité épanouie. Lorsqu’ils la découvrent après coup, ils peuvent s’enfermer dans des pratiques compulsives. Autre profil : ceux qui se vivent comme des libertins, ce sont des prédateurs qui ont besoin chaque jour d’une réassurance narcissique. Enfin, je vois des hommes qui n’ont eu recours qu’à des prostituées et ne s’en sortent pas.



F.-S. Certains peuvent-ils basculer vers l’agression, le viol ?

M. V. Non. Vous avez, d’un côté, les blocages névrotiques : le mari qui se croit malade alors qu’il n’a fait que tromper sa femme. De l’autre, des patients qui cherchent à couvrir des conduites perverses, pédophiles par exemple, sous ce mot d’« addict ». Ils vont sur des sites pour tenter d’« épuiser » leur sexualité et ne pas passer à l’acte. Les vrais addicts se situent entre ces deux frontières. Pour rompre avec ces pratiques, en dehors des médicaments en cas de dépression, une thérapie s’impose.



F.-S. Ce type d’addiction est-il nouveau ?

M. V. La nouveauté, c’est la banalisation du sexe, ramené à un objet de consommation. L’addiction sexuelle est presque le modèle de comportement prôné par la pub : « Consommez tout de suite, jouissez sans entrave ! » On voit des hommes envisager les femmes comme des chasseurs face à leur proie, des consommateurs face à un objet. C’est très dégradant pour l’image qu’on a de l’autre, et pour sa propre image bien sûr.